Alors que le Centre de santé de Melen, sous l’instruction du ministre de tutelle, vient d’entamer une opération de “ramassage” des malades mentaux errants dans la ville, il convient de faire le point sur la prise en charge des maladies mentales dans notre pays.
Il devient presque normal de tomber chaque jour sur des malades mentaux errant dans les rues. Les maladies mentales font très souvent l’objet de stigmatisation en Afrique. Selon la conception populaire la “folie” est souvent due à des pratiques mystiques qui auraient mal tournées. Ils sont souvent conduits directement chez des marabouts ou des pasteurs pour se soigner.
Or, les troubles mentaux ont des origines diverses. De la dépression, à l’anxiété en passant par la consommation excessive de drogues ou d’alcool. Des troubles psychiques qui sont passagers, dans certains cas, s’ils sont pris en charge à temps.
Si quelques familles prennent en charge leurs parents malades, dans la plupart des cas ces derniers sont laissés à l’abandon. Un comportement qui justifie la présence dans les rues de nombreuses personnes atteintes de troubles mentaux.
Ils pullulent dans nos quartiers et nous nous habituons presque à leur présence. Ils font partie du paysage et s’ils ne sont pas moqués par les enfants, sont complètement ignorés. N’ayant subi aucun contrôle médical, il est donc impossible de savoir exactement de quels maux souffrent chacune de ces personnes. Une situation dangereuse et alarmante pour deux raisons.
D’une part, ces malades mentaux sont en contact permanent avec les populations. Une situation qui peut s’avérer dangereuse de par le caractère imprévisible et parfois agressif de ces personnes. Il n’est pas rare d’entendre que des personnes se sont faite agressées par des malades mentaux errants. Une situation choquante qui a de quoi interpeler.
En plus d’être un danger pour les autres, ces personnes atteintes de troubles mentaux sont, d’autre part, un danger pour eux-mêmes. Complètement livrés à eux-mêmes, sans le moindre soin, sans abri et sans nourriture, ces concitoyens sont mis en danger.
L’une des prérogatives de l’Etat étant de protéger l’ensemble de ses citoyens quel qu’il soit, l’action engagée par le ministre de la santé, sous l’instruction du Chef de l’Etat, est plus que nécessaire.
Débarrasser les rues de ces malades mentaux et les faire interner pour un encadrement et un suivi est, en effet, la solution la plus adaptée à cette situation.
Mais rappelons que ce type de mesure a déjà été prise par le passé entraînant à chaque fois un retour à la case départ.
Réputé pour le mauvais état de ses locaux et le manque criards d’outils de traitement, le Centre national de santé mentale de Mélen (CNSM), unique structure en matière de traitement des maladies mentales a à chaque fois démontré ses limites.
Si, lors de ces visites, le Dr Guy Patrick Obiang Ndong a promis de remédier aux problèmes observés, notamment en termes de traitement médical, il convient tout de même de poser les problèmes de gestion et d’infrastructures.
Le centre de santé de Melen est-il réellement en mesure de recevoir l’ensemble des malades mentaux qui errent ne serait-ce que dans les rues de Libreville ? Le bâtiment est-il équipé de telle sorte que les patients et leurs soignants soient en sécurité ? Les soignants sont-ils réellement qualifiés pour prendre en charge ces malades ? Les gestionnaires de ce centre seront-ils accompagnés de manière durable dans cette démarche ? De nombreuses questions importantes qu’il convient de mettre sur la table.
Il est évident que le Centre National de Santé de Melen ne répond pas, à ce jour, aux standards d’un centre psychiatrique digne de ce nom. Des travaux ont été lancés à plusieurs reprises pour tenter de moderniser certains pavillons mais ont à chaque fois été abandonnés pour différentes raisons.
Un soignant expliquait lors de la seconde visite du ministre Obiang Ndong au CNSM qu’il serait difficile d’accueillir de nouveaux patients qui sont pour la plupart violents et habitué à la liberté, sans avoir des chambres pouvant les accueillir et des barreaux pour les empêcher de s’enfuir.
Des manques importants qui, s’ils ne sont pas réglés très vite, pourraient conduire à la remise en “liberté” de ces malades mentaux dans les prochaines semaines.
Il apparaît donc clairement que pour venir à bout de ce problème, il est nécessaire d’améliorer les conditions d’accueil de ce centre en emménageant des pavillons répondant aux normes, en installant des moyens de contention, en fournissant le centre en médicaments, véhicules de terrain et tout l’équipement nécessaire. Il conviendrait également de procéder à la construction de centres de santé mentale modernes dans l’ensemble des provinces du Gabon.
Rappelons que le Gabon compte uniquement un centre de traitement psychiatrique et est doté de tout juste quatre psychiatres pour une population d’1,8 millions d’habitants. Des données inquiétantes dans un pays où de plus en plus de cas de crimes passionnels, démence, suicide et autres envahissent les médias.
Tous les regards sont désormais rivés sur le ministre de la santé qui s’est donné la lourde charge de réussir ce challenge là où beaucoup ont échoué.